CHAPITRE 2 : LES ANNEES 40
Pendant la période militaire de JEAN et tout au long de la guerre, la vie des deux femmes est difficile. Toute activité commerciale est au ralenti et nourrir sa famille devient la seule préoccupation. Grace à ses origines paysannes et à un bon coup de jarret, JEANNE se ravitaille dans les fermes environnantes avec son vélo et livre les quelques commandes de chemises assurant ainsi l’intendance.
C’est au retour de la guerre que la famille s’installe rue Saint Alban, près de l’atelier en construction rue Jean Dupuis. Le choix de ce quartier n’est pas anodin. En effet le quartier MULSANT est le creuset de l’industrie textile depuis le début du dix-neuvième siècle. C’est un quartier ouvrier, parsemé de petits ateliers de tricotage, de tissages d’éponge, d’ateliers de mécanique industrielle et d’ouvrières à domicile.
Le quartier bouillonne de vie. Les petits cafés, les épiceries, les coiffeurs, s’animent très tôt le matin à tard le soir. Les remorques attachées aux vélos débordant de ballots de tissus ou d’articles à confectionner, sillonnent les rues pas encore goudronnées. Après les terribles années de guerre, la vie reprend son cours et les affaires avec.
Nous sommes à la fin des années quarante et l’atelier de confection voit le jour.
C’est un bâtiment modeste par la taille mais entièrement neuf sur un terrain qui permettra plus tard une extension. Loin des lignes allemandes la ville de Roanne n’est pas sinistrée à la Libération mais la reconstruction et la modernisation sont compliquées par la pénurie de matériaux et de matériels.
C’est aussi l’arrivée de la nouvelle et deuxième génération. GINETTE et ROGER vont se rencontrer à mi chemin entre Roanne et Nice, autour du lac du Bourget. Ils sont jeunes, ils sont beaux et complémentaires.
Une passion amoureuse va naitre et le mariage est rapidement fixé. Il fallait être très amoureux pour quitter la Riviera et s’installer rue Saint Alban !
ROGER est né à Nice, d’une famille italienne originaire de Ligurie, province frontalière. Dans l’entre-deux guerres les parents quittent l’Italie pour s’installer en France en espérant des jours meilleurs. LIVIO est un très bon tailleur, HONORINE une excellente couturière. Leur petit atelier Niçois est rapidement prospère et fabrique des costumes sur mesure pour les notables de la région. On voit bien la similitude du parcours professionnel de ces deux familles. Tout cela créera un lien très fort au fil du temps. Ces origines italiennes vont se retrouver plus tard dans le style des collections et marquer d’une touche créative à l’accent du Sud les futurs produits.
Le jeune couple va bien sûr s’installer à Roanne et entrer dans l’entreprise de confection de chemises pour homme qui commence à se développer. A l’époque on ne parle pas de fabrication en série mais de travail à façon pour des grossistes régionaux, forains et boutiques qui viennent se servir directement sur place.
La chemise pour homme est le produit principal, même si certains donneurs d’ordre commandent des articles complémentaires qui vont enrichir le savoir-faire du petit atelier. Le couple est jeune et plein d’idées mais la cohabitation avec le fondateur va se révéler difficile. La nouvelle génération va néanmoins persévérer, fermement décidée à travailler dur pour développer son activité. S’ouvre alors une nouvelle décennie pleine de promesse.